Traduction d'un article de la NASA (1999)

De la glace sur la Lune


Aucune trace d'eau n'a été détectée lors du crash de Lunar Prospector du 31 juillet 1999 sur la Lune. Plus de détails sont disponibles dans le communiqué de la NASA du 13 octobre.


Image du pôle sud de la Lune

Le 5 mars 1998, il a été annoncé que les données renvoyées par la sonde Lunar Prospector indiquaient que de la glace d'eau est présente aux pôles sud et nord de la Lune, en concordance avec les résultats de la sonde Clementine concernant le pôle sud et rapportés en novembre. La glace semblait initialement être mélangée avec le régolite de la Lune (rochers de surface, sol et poussière) à de faibles concentrations estimées entre 0,3 et 1 %. Des données ultérieures de Lunar Prospector obtenues sur une plus longue durée ont indiqué la présence possible de dépôts discrets et confinés de glace d'eau presque pure enfouie jusqu'à 40 cm de régolite sec, avec une signature d'eau plus forte au pôle nord lunaire qu'au pôle sud (1). L'eau est supposée être répandue sur une surface de 10000 à 50000 km² près du pôle nord et sur une surface de 5000 à 20000 km² autour du pôle sud. Des résultats plus récents montrent cependant que l'eau peut être plus concentrée dans des zones localisées (d'environ 1850 km², sur chaque pôle) que répartie sur de grandes régions. La masse totale estimée de glace est d'environ 6 milliards de tonnes. Mais des incertitudes dans les modèles signifient que cette estimation peut être considérablement réduite.

Comment la glace fut-elle découverte ?

Représentation de Lunar Prospector

Lunar Prospector, une mission Discovery de la NASA, a été lancé sur une orbite lunaire en janvier 1998. Il emportait un instrument scientifique appelé Spectromètre à neutrons. Cet outil fut conçu pour pouvoir détecter des faibles quantités de glace d'eau à un niveau allant jusqu'à moins de 0,01%. L'instrument se concentra sur les zones près des pôles lunaires où l'on supposait que ces dépôts de glace d'eau pouvaient se trouver. Le spectromètre à neutrons détecte des neutrons "lents" (ou thermiques) et "intermédiaires" (ou épithermiques) qui résultent de collisions entre des neutrons normaux "rapides" avec des atomes d'hydrogène. Les données montrent une signature particulière de 4,6 % sur la région polaire nord et une signature de 3,0 % sur le sud, une forte indication que de l'eau est présente dans ces deux zones. L'instrument peu détecter de l'eau à une profondeur d'environ 50 cm.

Comment de la glace peut-elle subsister sur la Lune ?

La lune ne possède pas d'atmosphère et toute substance à la surface lunaire est directement exposée au vide. Pour la glace d'eau, cela signifie qu'elle se sublimerait alors rapidement en vapeur d'eau et s'échapperait dans l'espace, car la faible gravité de la Lune ne peut retenir des gaz très longtemps. Lors d'un jour lunaire (~29 jours terrestres), toutes les régions de la Lune sont exposées à la lumière solaire, et la température des régions exposées atteint 395 K (395 Kelvin, ce qui correspond à 122 °C). Ainsi toute glace exposée à la lumière du Soleil durant même un court instant disparaîtrait. La seule possibilité pour que de la glace existe sur la Lune est que se trouve dans une zone en permanence à l'ombre.

Topographie du Pôle Sud - Bassin d'Aitken

Les instruments d'imagerie de Clementine ont montré que de telles zones en permanence à l'ombre existent au fond de profonds cratères près du pôle sud de la Lune. En fait, il apparaît qu'environ 6000 à 15000 km² de surface près du pôle sud est en permanence à l'ombre. Les mêmes zones au pôle nord apparaissent moindres sur les images de Clementine, mais les résultats de Lunar Prospector montrent une zone aquifère beaucoup plus large près de ce pôle. Une grande partie de la zone autour du pôle sud est dans le bassin d'Aitken (montré à gauche en bleu sur une image de la topographie lunaire), un cratère d'impact géant de 2500 km de diamètre et de 12 km de profondeur à son point le plus bas. De nombreux cratère plus petits existent sur le fond de ce bassin. Comme ils sont bas dans le bassin, les fonds de nombreux de ces petits cratères ne sont jamais exposés à la lumière. Dans ces cratères, les températures ne dépassent jamais 100 K (- 173 °C) (2). De la glace d'eau peut perdurer des milliards d'années à ces températures.

D'où vient la glace ?

La surface de la Lune est continuellement bombardée par des météorites et des micrométéorites. Beaucoup de ces impacteurs, si ce n'est tous, contiennent de la glace d'eau, et les cratères lunaires montrent que beaucoup d'entre eux furent de très gros objets. De la glace qui survivrait à l'impact serait dispersée sur la surface lunaire. La plus grande partie serait rapidement vaporisée et se perdrait dans l'espace, mais une partie pour finir dans les cratères en permanence à l'ombre, soit en entrant directement dans le cratère soit en migrant à la surface comme des molécules individuelles de déplaçant au hasard et en gelant là. Une fois dans le cratère, la glace serait relativement stable et dans le temps elle serait collectée dans ces "pièges froids" pour être ensuite enterrée à une certaine profondeur sous le "jardinage" météoritique. Une telle possibilité à été suggérée dès 1961 (3). Cependant; la perte de glace due à la photodissociation, au vent solaire et aux chutes de micrométéorites n'est pas bien quantifié (4).

Il y a t-il d'autres indices de glace ?

Image de la sonde Clementine

Dans un article du magazine Science (5) du 29 novembre 1996, il fut annoncé qu'une interprétation de données venant d'un instrument de Clementine suggérait la possibilité de présence de glace à la surface de la Lune. La glace est supposée se trouver au fond de cratère en permanence dans l'ombre près du pôle sud (au centre de l'image mosaïque de Clementine montrée en haut de la page). Il est aussi supposé que d'autres gaz volatiles, comme le méthane, se trouvent sous forme gelée dans le dépôt. Ce dépôt a été estimé à approximativement 60000 to 120000 m3 en volume. Cela serait comparable en taille à un petit lac, à quatre terrains de football en surface et à une épaisseur de 5 m. Cette estimation est cependant très incertaine à cause de la nature des données.

Un des problèmes en étudiant une zone en permanence dans l'ombre est qu'aucune image ne peut être obtenue. La sonde Clementine a recherché la glace en utilisant un outil scientifique appelé Expérience Radar Bistatique. L'expérience consistait à transmettre grâce à l'antenne à grand gain de la sonde un signal radio en bande S vers une cible sur la Lune. Les signaux renvoyés par la Lune furent reçus par le réseau d'antennes à grand gain de 70 m (Deep Space Network ou DSN) basé sur Terre. Les gaz volatiles gelés comme la glace d'eau sous beaucoup plus réfléchissants aux ondes radio en bande S que les roches lunaires. Les caractéristiques de ces ondes radio ont alors également différentes. Une analyse des signaux retournés lors de la 234 ème orbite de Clementine ont montré des caractéristiques de réflexion suggérant celles de l'eau pour les zones dans l'ombre près du pôle sud. Les réflexions des régions qui ne sont pas en permanence dans l'ombre ne montrent pas ces caractéristiques. Il est possible que d'autres mécanismes de diffusion soient responsables de ce résultat, mais l'interprétation des retours radio et le fait qu'ils soient uniquement associés avec des zones en permanence dans l'ombre semblent indiquer que de la glace d'eau constitue l'explication la plus probable. Cependant des études avec le radio télescope d'Arecibo utilisant les mêmes réflexions que Clementine ont montré des motifs de réflexions similaires dans des régions qui ne sont pas ombragées en permanence. Ces réflexions ont été interprétées comme résultant de surfaces brutes, et il a été suggéré que les résultats de Clementine puissent avoir été dus à des surfaces rugueuses plus qu'à de la glace d'eau.

Paramètres de l'Expérience Radar Bistatique
9-10 avril 1994
Transmission: Bande S 2,273 GHz (Longueur d'onde de 13,19 cm)
Polarisation: Circulaire Droite (RCP)
Puissance du signal : 6 Watts
Déviation axiale : 4,5 à 5,5 degrés (Lune à Terre)
Orbites utilisées : 234 et 235

Pourquoi la présence de glace sur la Lune est-elle importante ?

La glace peut représenter le matériau cométaire ou d'astéroïdes presque primitif qui a existé sur la Lune sur des millions ou des milliards d'années Une mission robotisée de retour d'échantillons pourrait rapporter de la glace sur la Terre pour l'étudier, peut-être en la faisant suivre par une mission humaine pour des prélèvements plus précis. Le simple fait que de la glace est là peut aider les scientifiques à construire des modèles d'impacts sur la surface lunaire et les effets du "jardinage" météoritique, de la photodissociation et du souffle du vent solaire sur la Lune. Au-delà des aspects scientifiquement intrigants, des dépôts de glace sur la Lune pourraient présenter de nombreux aspects pratiques pour de futures explorations de la Lune par des hommes. Il n'y a pas d'autre source d'eau sur la Lune, et le transport d'eau vers la Lune dans le but d'une utilisation humaine serait très cher (de 2000 à 20000 €/kg). L'eau lunaire pourrait aussi servir comme source d'oxygène, un autre composé vital non disponible sur la Lune, et d'hydrogène, qui pourrait être utilisé comme carburant pour les fusées. Paul Spudis, un des scientifiques qui prit part dans les études avec Clementine, se référait aux dépôts de glace lunaire comme "des endroits de très haute valeur dans le Système solaire". Il apparaît qu'en plus des zones en permanence dans l'ombre, il existe des endroits hauts, comme les bordures de cratères, qui sont en permanence exposés à la lumière solaire et qui pourraient servir de source d'énergie pour des missions futures.


Références

1) Flux de neutrons rapides et épithermiques de Lunar Prospector: Preuve de glace d'eau aux pôles lunaires, Feldman et al., Science, v. 281, p. 1496, 1998
2) Stabilité du gel polaire dans les cratères sphérique en forme de bols sur la Lune, Mercure et Mars, Ingersoll et al., Icarus, v. 100, p. 40, 1992
3) Le comportement des matériaux volatiles sur la surface lunaire, Watson et al., Journal of Geophysical Research, v. 66, p. 3033, 1961
4) Glace dans des régions polaires de la Lune, Arnold, Journal of Geophysical Research, v. 84, p. 5659, 1979
5) L'expérience de radar bistatique sur clementine, Nozette et al., Science, v. 274, p. 1495, 1996


 Communiqué de presse de la NASA (13 octobre 1999) - sur les résultats du crash de Lunar Prospector sur la Lune
 Communiqué de presse de la NASA (3 septembre 1998) - annonçant une estimation augmentée de la quantité d'eau sur la Lune
 Communiqué de presse de la NASA (5 mars 1998) - annonçant la détection de glace sur la Lune
 Communiqué de presse de l'Université Cornell (3 juin 1999) - un radar fournit des vues 3-D des pôles lunaires
 Lunar Prospector
 L'expérience du spectromètre à neutron
 Clementine
 L'expérience du radar bistatique de Clementine

 Glace au pôle sud de la Lune - Lunar and Planetary Institute
 Ice on the Bone Dry Moon - Paul Spudis


NASA Official: J. H. King, king@nssdca.gsfc.nasa.gov
Last Updated: 22 January 2003, DRW

Liens :

Document original NSSDC/NASA "Ice on the Moon" : http://nssdc.gsfc.nasa.gov/planetary/ice/ice_moon.html

Sur ce site :

Les missions Clementine et Lunar Prospector

Autres documents consacrés à la Lune : Liste

Notre satellite naturel : La Lune

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